Une brillante intervention d'Etienne Blanc (73) an SENAT

  • 28 Dec 2025

Notre ami  Etienne Blanc (73) Sénateur du Rhône, Membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a fait une intervention particulièrement brillante et pertinente concernant la Lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée :

Vous pouvez retrouver celle-ci à partir des liens suivants :

https://www.senat.fr/seances/s202512/s20251217/s20251217012.html#int1512

https://videos.senat.fr/video.5637918_69430b3c16e38?timecode=3917000


M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. Étienne Blanc. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, personne ne vous croirait si vous disiez, ce soir, au Sénat, que la concordance des dates entre le débat qui nous réunit et le déplacement du Président de la République hier à Marseille relève du cas fortuit ou du pur hasard. (Sourires.)

Personne ne vous croirait non plus si vous prétendiez que cet échange ne relève pas d’une vaste opération de communication voulue par un exécutif aujourd’hui dépassé par la vague du narcotrafic, une vague qui submerge désormais la France, celle de la métropole comme de l’outre-mer, des zones urbaines comme des territoires ruraux.

M. Guy Benarroche. Bravo !

M. Étienne Blanc. Pour démontrer que l’État, dans cette dernière décennie, n’a pas été à la hauteur, on peut rappeler que c’est bien ici, au Sénat, que fut décidée, en application de l’article 51-2 de notre Constitution, sur l’initiative du groupe Les Républicains, alors présidé par Bruno Retailleau, la création d’une commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.

Vous voyez, monsieur le Premier ministre, que c’est bien le Parlement, et non le Gouvernement comme il le dit hélas trop souvent, qui aura éveillé les consciences sur ce sujet crucial !

Les Républicains considéraient qu’il était temps d’ouvrir les yeux sur une activité criminelle considérable. J’ai eu l’honneur, en ma qualité de rapporteur, de remettre, avec mon excellent collègue Jérôme Durain, le rapport de cette commission d’enquête au président Larcher le 7 mai 2024.

Qu’avions-nous écrit à l’époque ? Le constat pourrait se résumer en trois chiffres saillants.

Le premier est le chiffre d’affaires du commerce des drogues. En 2023, on l’estimait à environ 6 milliards d’euros ; on l’évalue, en cette fin 2025, proche de 8 milliards d’euros. Monsieur le garde des sceaux, cette somme représente 80 % de votre budget !

Le deuxième chiffre est le nombre de délinquants qui vivent de cette activité, totalement ou partiellement. Ce chiffre avoisine désormais 250 000. Mettons-le en rapport avec le nombre de policiers et de gendarmes qui assurent la sécurité des Français : ils sont environ 255 000. Il y a donc autant d’agents qui leur courent après qu’il y a de narcotrafiquants !

Le troisième chiffre, enfin, est sans doute le plus effrayant : en 2023, la France a déploré 451 victimes d’homicides ou de tentatives d’homicide liés au narcotrafic.

Les 600 pages de notre rapport ont eu le mérite d’expliquer dans le détail comment fonctionne cette entreprise criminelle, mais nous avons aussi dénoncé et même stigmatisé les lacunes des moyens matériels et juridiques dont dispose l’État pour tenter d’y remédier.

Le président du Sénat nous a demandé, à Jérôme Durain et moi-même, de préparer un texte pour donner une suite à ce rapport, auquel il avait trouvé du sens. Ce texte, vous l’avez rappelé – c’est une exception, mais c’est aussi un signe –, fut adopté à l’unanimité par le Sénat et promulgué au mois de juin après le passage à l’Assemblée nationale.

Posons-nous la question : pourquoi aura-t-il fallu attendre une initiative parlementaire – en l’occurrence, sénatoriale – pour que le narcotrafic soit enfin considéré comme un péril pour la nation ?

Durant les dix dernières années, les gouvernements successifs furent d’une passivité désolante, passivité que vous voudriez effacer aujourd’hui – nous le comprenons bien, monsieur le Premier ministre – en venant ce soir devant le Sénat accompagné par pas moins de neuf membres du Gouvernement – excusez du peu –, comme si le nombre voulait démontrer la force d’une volonté politique, dont, à titre personnel, je me permets toutefois de douter !

Mais ne boudons pas notre plaisir : nous sommes heureux d’accueillir ce conseil des ministres délocalisé au Palais du Luxembourg… (Sourires.)

Je voudrais que nous profitions de cette vaste opération de communication gouvernementale pour sortir de cette insupportable pratique politique, devenue une habitude, qui fait de tout sujet sur lequel le Gouvernement communique un sujet considéré comme réglé.

Si de notre débat de ce soir pouvaient émerger des propositions concrètes, une amplification des mesures, des dispositions réalistes et crédibles, alors il aura été utile. Sinon, il ne restera que du vent…

Pour ma part, je voudrais suggérer ou aborder quelques mesures.

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous qui êtes en charge de l’organisation des prochaines élections municipales, quel dispositif concret allez-vous préparer pour que soient écartées les candidatures de proches des réseaux de narcotrafiquants ?

Ceux-ci ont bien compris que ce sont les maires qui décident de l’installation des caméras, qui attribuent les logements sociaux dans les quartiers sensibles, qui ont autorité sur la police municipale et qui financent les associations dans les quartiers. Les narcotrafiquants l’ont compris et veulent s’insérer dans le processus électoral. Donner à des narcotrafiquants le moindre pouvoir dans ces domaines serait terriblement dangereux !

Pouvez-vous nous dire précisément comment vous allez écarter ce risque, alors que – je suis désolé de le rappeler – vos fichiers ont été pillés par des réseaux dont les narcotrafiquants sont sans doute proches ?

Madame la ministre de la santé, l’administration pléthorique de l’avenue Duquesne fut capable de réaliser de vastes campagnes de lutte contre le tabac qui détruit les poumons et contre l’alcool qui détruit le foie, mais pourquoi n’a-t-elle rien fait ou si peu contre les drogues qui détruisent les cerveaux ?

Quand, comment et avec quels moyens lancerez-vous vos administrations dans une puissante campagne de communication et de sensibilisation sur ce sujet épineux ?

Monsieur le ministre de l’éducation nationale, j’ai tenu, à Clermont-Ferrand, devant les maires du département du Puy-de-Dôme, une réunion sur le narcotrafic. L’adjoint à la sécurité du maire de la ville est intervenu pour nous révéler que, à l’occasion d’un déplacement dans une école primaire – je dis bien une école primaire ! –, la directrice de cette école lui a appris que des enfants, dans la cour de récréation, confectionnaient des petites enveloppes de papier dans lesquelles ils inséraient des feuilles de platane séchées pour « jouer » au deal de cannabis…

Qu’allez-vous faire concrètement – et quand – pour remplir votre responsabilité essentielle d’éducateur de la jeunesse de notre pays, sachant qu’un grand nombre de nos lycéens nous ont dit, à la fin de nos travaux, que jamais, dans leur cursus scolaire, on ne leur avait parlé de la drogue ?

Madame la ministre des outre-mer, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Saint-Martin sont devenues des zones de rebond. Les narcotrafiquants, désormais, y stockent des quantités considérables de cocaïne. Ils les protègent par la violence des armes avant qu’elles soient acheminées vers le golfe de Guinée ou les ports européens.

Les forces navales, dont nous avons auditionné les représentants, ont besoin de frégates, de vedettes, d’hélicoptères, de marins et de pilotes pour surveiller la vaste zone des Caraïbes, infestée par la drogue, ainsi que l’océan Atlantique.

Que ferez-vous concrètement pour répondre aux cris de détresse des élus d’outre-mer ? Je les ai rencontrés à l’occasion de la dernière assemblée générale des maires de France. Ils n’avaient qu’un mot à la bouche : « Ne nous abandonnez pas » !

Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, les entreprises criminelles contre lesquelles vous devez vous battre sont devenues de puissantes multinationales. Leur siège et leurs collaborateurs sont dispersés sur l’ensemble de la planète, tout comme leurs avoirs criminels.

Que ferez-vous, seul ou avec l’Europe, aux côtés de nos alliés américains ou d’autres pays encore, pour faire céder les pays refuges que nous connaissons – Émirats arabes unis, Maroc, Algérie et tant d’autres ?

Oui, ces pays doivent céder sur les extraditions, sur la confiscation des avoirs criminels, sur l’échange de renseignements. Dans un contexte – hélas ! – de perte d’influence de la France dans le monde, nous attendons avec impatience vos réponses.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez accompagné sans ambiguïté les travaux législatifs du Sénat, en qualité de ministre de l’intérieur, puis dans le cadre de vos fonctions actuelles.

Comment pouvez-vous expliquer devant la Haute Assemblée que les décrets d’application sur le nouveau statut des repentis, sur les infiltrés, sur les indicateurs ou encore sur l’anonymisation des procédures ne soient pas encore signés ?

 

 

 

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